Les pages du matin
Les pages du matin, ou « Morning Pages » ont été conceptualisées par Julia Cameron, scénariste américaine de renom (et si vous la googlez, vous apprendrez également qu’il s’agit de l’ex-femme de Scorsese, ce qui, soit dit en passant, a le don de m’horripiler : pourquoi diantre a-t-on besoin de qualifier quelqu’un, et très souvent une femme d’ailleurs, en fonction de ses relations aux autres, aussi célèbres puissent-ils être ?).
Les pages du matin consistent à écrire, tous les matins, au saut du lit – à la rigueur avec le café – trois pages d’une traite. Trois pages sur tout et rien, de ce qui vous passe par la tête encore embrumée au réveil. L’idée n’est pas d’écrire du Shakespeare ou un autre Discours de la Méthode, mais de faire le gros déballage de tout ce qui vous occupe ou encombre l’esprit sans même parfois vous en rendre compte ou que vous puissiez y mettre des mots. Écrire sans se retourner, c’est à dire sans se relire, du moins pas dans les semaines à venir. Un grand nettoyage matinal de l’esprit en somme. Entre les courses à faire pour l’anniversaire du petit dernier, ce trou dans la trésorerie qui commence gentiment à vous donner le vertige, cet amant pas très aimant qui vous malmène l’égo et le cœur, ces amis sur qui vous ne pouvez finalement pas beaucoup compter, vos détestables mais confortables poignées d’amour, l’odeur nauséabonde des chats de la voisine embaumant votre bureau, votre solitude mortifère ou votre effrayante absence de perspectives à court-moyen-long terme… Bref, il se peut que vos lamentations, pardon, pages du matin se révèlent légèrement sombres voire carrément déprimantes, mais c’est justement pour cela qu’elles vous seront bénéfiques. Coucher toutes ses peines, craintes, angoisses et autres réjouissances chaque matin vous libère l’esprit pour le reste de la journée. Et les écrire chaque matin, si elles viennent ainsi s’exprimer dans toute leur jolie noirceur, risque sans doute de vous taper gentiment sur les nerfs et vous donner insidieusement l’impulsion de commencer à changer quelque chose dans votre vie.
Pour Julia Cameron, les pages du matin constituent en quelque sorte un exercice de méditation qui vous permet de voir plus clair et de vous distancer de vos peurs et de vos angoisses… Et de cette petite voix sournoise (forcément) qui vous chuchote à l’oreille « tu ne vas pas y arriver », « c’est bien trop ambitieux pour toi » et qui vous retient dans le déploiement épanoui et décomplexé de votre créativité et de vos projets. Je vous le conseille vivement !